
Levé aux aurores, je quitte mon tatami sur la pointe des pieds. Inutile de réveiller tous ceux qui dorment encore… Difficile cependant de sortir discrètement, tant cette maison qui doit avoir quelques siècles craque et grince de partout. Je viens de comprendre pourquoi il a fait si froid cette nuit… la chambre n’a pas de fenêtre, juste deux panneaux coulissants d’à peine 2 mm d’épaisseur… Un truc qui serait impensable à Québec, surtout en cette saison.
Je glisse donc plus que je ne marche pour quitter les lieux. Les propriétaires dorment encore et il fait encore nuit quand je me mets en marche pour une étape que j’appréhende un peu. Je m’en vais faire la connaissance de la montagne de Hakone, réputée comme étant la partie la plus ardue du Tokaïdo. Je traverse donc les rues désertes d’Odawara et c’est au chant du coq que je passe devant le château local, direction Hakone.
Très vite, la route commence à monter. Je me dis que 14 km à ce rythme seront suffisants pour cette cinquième journée de marche. Aujourd’hui, c’est une journée symbolique puisque je marcherai (déjà) mon 100e kilomètre sur la route du Tokaïdo. Symbolique aussi car j’atteindrai le premier point de contrôle que le shogun avait fait installer au XVIe siècle sur la route du Tokaïdo afin d’en sécuriser (et d’en contrôler) les allées et venues. Ce checkpoint était justement installé au bord du lac Ashi, à Hakone. Il a été minutieusement restauré et peut être visité et franchi encore aujourd’hui. Enfin, symbolique, car c’est à Hakone que je pourrai marcher sur un tronçon préservé à l’identique de la route du Tokaïdo: un tronçon de quelques kilomètres se faufilant entre des cèdres vieux de plus de 400 ans. Mais avant d’y arriver, il faut monter…
Isa m’accompagne pendant ma première heure de marche par Skype, de quoi rendre la route beaucoup plus agréable. J’absorbe les premiers kilomètres sans trop de problème. Ça monte de plus en plus et mon rythme ralenti, c’est bien normal. Par contre, le moral et les muscles vont bien, les genoux préfèrent monter que descendre, si bien que je maintiens un bon rythme. Arrivé à Hakone, des petits sentiers forestiers me permettent même de rendre à Google la monnaie de sa pièce et de boucler la journée en 13,4 km… moins que ce que le logiciel m’avait annoncé.
Il n’est même pas midi et le temps est radieux. Je dépose donc mon sac à la réception du Onsen Ryokan (un hébergement typiquement japonais avec des sources d’eau chaude naturelles) dans lequel je m’installerai pour les 2 prochains jours, et je décide d’aller découvrir la vue sur le Mont Fuji. Tant qu’il n’y a aucun nuage, autant en profiter! Et là, c’est émerveillement après émerveillement. Ce coin de pays est tout simplement d’un charme inégalé! Une petite voie de chemin de fer à flanc de montagne, un funiculaire, tout semble tout droit sorti d’un monde imaginaire. Pour ceux d’entre vous qui ont connu le feuilleton britannique « Le prisonnier » avec Patrick Mc Goohan (dans les années 70), et bien j’ai l’impression que j’y suis, version japonaise…
Le funiculaire m’amène à 750 mètres d’altitude puis le téléphérique à un peu plus de 1.000 mètres. Une forte odeur de soufre chatouille les narines mais est vite oubliée tant la vue est magnifique. Plus que de vous la décrire, je vous laisse parcourir les photos au bas de cet article, ou regarder une nouvelle fois la vidéo en direct que j’ai tournée en face du Mont Fuji cet après-midi.
La descente vers le Lac Ashi est aussi belle que la montée, et se termine par une mini-croisière sur le lac, pour admirer encore une fois sous différents angles la magnifique vue du Fujisan. Quelle journée magnifique!
Arrivé de l’autre côté du lac, je m’aventure à la découverte du fameux checkpoint que je vous décrivais plus haut. Le musée qui a été construit juste à côté nous replonge à l’époque des convois de militaires et de courtisans qui parcouraient le Tokaïdo chaque année, puisque le shogun déménageait régulièrement son gouvernement de Kyoto à Edo (Tokyo) et vice-versa. Le convoi parcourait la route en 2 semaines à peine, dans des conditions qui n’ont rien à voir avec le confort d’aujourd’hui. Je me suis donné un mois, avec du bon matériel et un confort moderne… vraiment j’admire la performance des hommes et des femmes de l’époque.
Je finis ma journée par le tronçon préservé du Tokaïdo… un moment magique, au milieu des cèdres quatre fois centenaires! En tendant l’oreille, on peut imaginer entendre le bruit des chevaux et les clameurs des voyageurs d’antan. Un beau grand moment de bonheur!
La fatigue se fait sentir, et je reprends un petit bus local pour rejoindre mon logement. La nuit sera reposante, la tête pleine d’images, les poumons remplis d’air pur, et le coeur léger après une magnifique journée.
Demain, repos et sources d’eau chaude seront au programme, avant de reprendre la route lundi pour une longue étape de plus de 25 km.
Merci à vous de me lire et de me suivre…
Si ce n’est déjà fait, faites un petit geste pour la cause que je soutiens en faveur des enfants abandonnés et défavorisés: un petit clic ici fait une grande différence.
Merci du fond du coeur !
Nicolas